La Guerre de l’Information

Mai 2, 2023

Ce texte synthétise le travail effectué au cours des trente dernières années à travers les expériences menées a sein de DCI/Intelco et de l’Ecole de guerre économique. Il sert de base de départ aux travaux de recherche appliquée qui vont être menées au sein du CR 451.

La guerre de l’information (GI) est un usage offensif et défensif de l’information et de la connaissance.

Son champ d’application comporte deux dimensions : le contenu (information, connaissance) et le contenant (l’informatique et les réseaux).

Les confrontations informationnelles ont généré deux cultures du combat par l’information : l’une militaire et l’autre civile.

La GI se joue sur trois échiquiers majeurs :

•          Le politico-militaire.

•          L’économique.

•          Le socio-culturel.

 

L’Importance du non létal

La Grande-Bretagne a donné à la guerre de l’information sa dimension politico-militaire au cours de la Seconde Guerre mondiale. L’évolution de la situation sur le front occidental entre 1943 et 1944 a conduit les Alliés et plus particulièrement la Grande-Bretagne à intégrer à sa stratégie militaire une dimension informationnelle pour tromper l’ennemi sur les lieux de débarquement. Sans nier l’impact des aspects purement techniques (décryptage de la machine Enigma, interception des messages radio émis par les Allemands) sur le déroulement des opérations militaires, les opérations d’intoxication et de désinformation orchestrées par les Britanniques ont eu une incidence décisive sur la réussite du débarquement en Normandie.

La confrontation idéologique durant la guerre froide a généré une culture civile de la guerre de l’information. Les organes de propagande prosoviétiques[1] utilisèrent la notion de progressiste comme une arme informationnelle pour affaiblir la légitimité du discours du camp adverse. En encourageant indirectement l’émergence d’une pensée dite progressiste, les idéologues communistes cherchaient à faire dénigrer les valeurs des sociétés capitalistes par des membres des milieux intellectuels occidentaux. Les progressistes prônaient des valeurs dites modernes afin de dépasser les contradictions de la société capitaliste. Cette stratégie de dénigrement du conservatisme a permis aux partis communistes de noyauter durablement des courants littéraires en situation de rupture, des personnalités du monde culturel et des membres du système éducatif dans les sociétés civiles occidentales. Ces diffuseurs de pensée agissant hors du champ politique classique ont affaibli la superstructure,[2] car ils remettaient en cause les valeurs hégémoniques de l’idéologie dominante.

La riposte occidentale à cette forme originelle de guerre de l’information par le contenu a été à la fois directe à l’image du Maccarthysme[3] aux Etats-Unis, et indirecte par le biais du Congress for Cultural Freedom[4] au niveau mondial. En riposte aux manœuvres de pénétration et d’infiltration de leur intelligentsia, les autorités américaines et britanniques ont répondu par l’appel à la dissidence dans les pays socialistes.

Le changement dans la conduite de la guerre

Selon l’universitaire américain Matthew Connelly[5], les guerres coloniales (Indochine, Algérie) ont fait apparaître une nouvelle forme de centre de gravité. Si l’armée française a gagné tactiquement contre le FLN (opération de la bleuite[6]), elle a perdu la guerre de l’information au niveau stratégique. La démonstration de Matthew Connelly est particulièrement éclairante sur les opérations d’influence sur les votes à l’ONU, sur le décalage entre le discours officiel français qui revendiquait l’apport du progrès à un pays en voie de développement et le processus de modernité démocratique que le FLN souhaitait conduire après l’indépendance. A l’époque, les autorités civiles et militaires ont mal évalué les centres de gravité. Ce cas n’est pas propre à la France comme le rappelle le général américain Robert Scale, commandant l’Us Army War College,[7] à propos de la guerre du Vietnam. L’armée américaine pensait que le centre de gravité vulnérable était le potentiel militaire ennemi et sa capacité de vaincre sur le terrain. Lors de l’offensive du Têt, les dirigeants communistes Hô Chi Minh et Giap ont pris le risque de perdre sur le plan militaire au profit d’une victoire décisive en guerre de l’information. Ils estimaient que le centre de gravité de l’ennemi était son propre peuple et que la bataille de l’opinion était primordiale.

Gagner sans la guerre

Après s’être opposés dans un premier temps aux initiatives de l’adversaire par des mesures de contre subversion, les spécialistes anglo-saxons de la lutte anticommuniste ont cherché à devenir plus proactifs. L’expérience de Solidarnosc[8] en Pologne leur a permis de se familiariser avec les techniques de combat du faible au fort. Jusqu’à cette crise interne du monde communiste, les défenseurs des intérêts occidentaux avaient pris l’habitude de se battre avec les armes du fort pour contrer les initiatives du faible. Le mouvement enclenché par les grévistes des chantiers navals de Gdansk aboutit à un contournement des positions idéologiques du modèle communiste qui devait en principe être le garant de l’intérêt des travailleurs. Ce retournement de situation a permis de tirer un certain nombre d’enseignements. Au-delà de la récupération politique d’un activisme ouvrier en révolte contre la ligne du Parti, les méthodes subversives de déstabilisation mises en œuvre par les activistes de Solidarnosc ont démontré la force de frappe non violente d’un mouvement sociétal en opposition avec un pouvoir légitime. Les concepteurs des révolutions colorées ont retenu la leçon.

Le concept de dissidence n’a pas pour autant été abandonné, il reste un levier majeur dans l’initiation des jeunes aux méthodes subversives en intégrant la dimension virtuelle des réseaux sociaux et des médias sociaux via Internet. C’est ainsi que l’Alliance of Youth Movements (AYM) a donné naissance à movements.org qui est une organisation à but non lucratif chargé de créer des liens entre cyberdissidents, de soutenir leur action et de former les internautes acquis à cette nouvelle forme d’activisme. Les promoteurs historiques de l’action subversive ont tiré leurs propres leçons de cette tentative de récupération de leur savoir-faire. La lecture des événements en Géorgie (2008) puis en Ukraine (2014) souligne une autre forme de réappropriation : les Russes ont compris que le concept de dissidence était une arme qu’ils pouvaient utiliser à leur profit. L’encouragement des mouvements dissidents en Ossatie du Sud, en Abkhazie et dernièrement en Crimée est une illustration de leur capacité de rompre l’encerclement cognitif dans lequel des puissances occidentales voulaient les enfermer.

La croissance exponentielle du contenant ne doit pas effacer l’importance du contenu

Le contrôle des tuyaux est-il plus maîtrisable ou plus nuisible que l’information et la connaissance qu’ils véhiculent ? Cette question est au cœur de la problématique de la guerre de l’information. Les informaticiens et les militaires centrés sur le contenant mettent en avant la croissance exponentielle des réseaux, des individus connectés, des produits liés aux technologies de l’information. Cette masse critique leur donne la légitimité dans la prise de parole et le cadrage de l’expertise. Il n’empêche que l’histoire des conflits passés et présents relativise le poids de la technologie dans l’issue des affrontements. Les forces occidentales engagées dans les guerres du Vietnam, d’Irak et d’Afghanistan n’ont pas évité des situations d’enlisement dans lesquelles la guerre de l’information par le contenu (légitimée par des facteurs historiques et culturels) a joué et continue à jouer un rôle décisif.

La spécificité de la guerre de l’information par le contenu

La société de l’information est un nouveau terrain d’affrontement qui s’ajoute à celui du monde militaire et du monde du renseignement.

La guerre de de l’information par le contenu s’exerce principalement par l’art de la rhétorique et la capacité d’occuper le terrain par la production de connaissances.

La temporalité de la guerre de l’information par le contenu n’est pas limitée à des opérations à des missions ponctuelles. Les combats par l’information peuvent être menés sur des périodes très longues comme le démontrent les situations conflictuelles dans le domaine de la guerre économique.

Les nouvelles règles de combat par l’information impliquent une rupture avec les schémas traditionnels du combat pour/par/contre l’information. Pour comprendre cette nécessité de rupture, plusieurs éléments sont à prendre en compte :

  • Le temps nécessaire au processus de professionnalisation. Les expériences menées dans les structures privées soulignent les années incompressibles de capitalisation de la connaissance pour mettre à un niveau opérationnel suffisant le savoir-faire des équipes appelées à mener ce nouveau type de combat.
  • La transversalité dans la conduite des opérations avec des équipes complémentaires à fort niveau de créativité. L’atypisme n’est pas un facteur d’exclusion.
  • Le recours quasi systématique à une mémoire opérationnelle qui prend en compte une capacité d’analyse critique de la stratégie et de la tactique pouvant aboutir à des changements rapides de l’axe d’attaque défini au départ de l’action.

La dissuasion informationnelle

Notre pays subit un nombre croissant de manœuvres indirectes émanant de puissances qui ont adopté une posture informationnelle agressive à notre égard. Si l’identification des attaques informationnelles contre les intérêts français est prise en compte au sein de la nouvelle agence créée au sein du SGDSN, aucune démarche ne permet pour l’instant d’affaiblir ou de mettre un terme aux attitudes les plus agressives.

L’observation des faits, l’analyse du jeu des acteurs et la remontée des synthèses vers les autorités ne constituent pas une parade suffisante pour faire face à la diversité et à la mutation des affrontements cognitifs. Les investigations judiciaires et la répression policière se heurtent à la capacité de dissimulation des forces qui cherchent à nous nuire. Pour atteindre leurs commanditaires, il est nécessaire de recourir à un jeu indirect aussi performant tout en restant dans un cadre éthique et réglementaire.

 La dissuasion informationnelle est un cadre de réflexion et d’action qui permet de donner à la fois du sens à une riposte légitime ainsi qu’une marge de manœuvre tolérée pour une prise de risque identifiée.

Si le contrôle et la conduite des opérations doivent impérativement relever du pouvoir régalien, les modes d’exécution doivent être créatifs et même éventuellement atypiques. Notre pays dispose d’un avantage non négligeable. Nos adversaires ne l’attendent pas sur ce terrain car ils ont pris l’habitude de nous appliquer une grille de lecture qui privilégie une posture défensive. Dans un premier temps, nous aurons donc l’avantage de l’effet de surprise. Dans un second temps, il faudra cultiver l’ambiguïté, tout en sachant préserver la dimension opérationnelle de nos capacités cognitives offensives.

Le renseignement de guerre de l’information

Depuis la fin de la guerre froide, la France est confrontée à un choix cornélien entre le soutien à une vision multilatéraliste des relations internationales et une approche gaullienne de recherche d’une certaine autonomie de décision. De facto, les choix varient en fonction du périmètre défini pour situer les intérêts de la France. Selon les cas traités, la coalition peut être une option tout comme son contraire. La démultiplication actuelle des rivalités entre anciennes et nouvelles puissances rend plus que nécessaire la prise en compte d’un renseignement dédié au traitement de ce type de problématique.

Une telle démarche s’appuierait sur trois missions principales :

  • L’éclairage des situations de rapport de force complexe.
  •  Le soutien cognitif aux négociations dans un cadre de coalition ou dans un affrontement bilatéral.
  • Les actions nécessaires pour contrer les adversaires les plus agressifs sur le terrain de la guerre de l’information.

Nos alliés les plus reconnus dans le domaine ont aussi intégré la place que prenait la société de l’information dans l’évolution du renseignement. Les stratégies d’influence et de contre-influence menées au sein des sociétés civiles par les services les plus offensifs des deux Blocs préfiguraient les futures formes de confrontation informationnelle post-guerre froide, celles de l’ère Internet et des réseaux sociaux. Il ne s’agissait plus seulement de connaître les intentions et les secrets de l’adversaire. Il fallait aussi l’affronter sur le terrain de l’information.

Dans cette optique, il est nécessaire de développer une nouvelle forme de renseignement destiné à la mise en œuvre d’une guerre de l’information de nature défensive ou offensive. Une telle démarche implique en amont de disposer d’une base de connaissances qui comporte plusieurs parties :

  • Une partie pédagogique sur la dimension historique de la guerre de l’information. La prise en compte des étapes de construction du modèle français permet de mieux saisir son niveau de créativité qui est très variable selon les périodes de conflit.
  • Une partie « retex ». Les retours d’expérience sont des points de repère cognitifs indispensables pour différencier les victoires tactiques des éventuels échecs stratégiques. Il s’agit d’une étape essentielle dans le processus d’acculturation des personnels dédiés à la mise en œuvre de la guerre de l’information. Les enseignements théoriques et pratiques tirés des « retex » donnent aussi une idée assez précise sur ce qui peut être actualisé.
  • Une partie comparative sur les principales cultures étrangères de guerre de l’information qui différent d’un pays à l’autre, aussi bien en termes d’organisation que de modes opératoires. La prédominance de l’OTAN dans l’élaboration d’un système commun à plusieurs pays (dont la France) a ses qualités et ses défauts. A titre d’exemple, la vision que les rédacteurs de l’OTAN ont de la « guerre cognitive » est trop centrée sur la technologie et la problématique du contrôle des esprits.
  • Une partie sur l’étude du facteur humain qui est aussi déterminant dans les attaques par le contenant que par le contenu.

Les munitions informationnelles

Ce renseignement dédié à la guerre de l’information a plusieurs objectifs. En premier lieu, il sert à évaluer les différents types d’échiquiers sur lesquels pourraient être mis en œuvre une stratégie informationnelle destinée à dissuader, contrer ou attaquer un adversaire. En second lieu, il est activé pour recueillir des munitions informationnelles susceptibles d’être utilisées contre lui. L’étude des contradictions de l’adversaire permet de « fabriquer » des munitions informationnelles. A titre d’exemple, un ancien étudiant de l’EGE, en poste à l’étranger sur une fonction humanitaire, avait enquêté sur le cas d’enfants d’une école présentant des symptômes de maladie inexpliquée. Il découvrit que des munitions à uranium appauvri avaient été enterrées à cet endroit à la suite de manœuvres militaires. Une dalle de béton avait été coulée sur le site. Une telle démarche ne relevait pas des objectifs traditionnels d’une mission de renseignement classique. Mais elle établissait les bases d’une munition informationnelle à partir du moment où l’enquête terrain fournissait les preuves exploitables qui pouvaient constituer les bases d’un dossier d’objectif en guerre de l’information.

Une nouvelle problématique de combat

Les règles de combat par l’information impliquent une adaptation au « terrain informationnel ». Par rapport au fonctionnement du monde militaire, la rotation des postes tous les deux ou trois ans est un obstacle au temps nécessaire à une véritable professionnalisation. Ce constat oblige les armées à créer un système spécifique afin de mieux répondre à cette nouvelle forme de guerre non létale. En France, la création du Comcyber a été une première étape pour répondre aux urgences liées à la maitrise du contenant. D’autres étapes vont suivre concernant le contenu.

Les expériences menées dans les structures civiles privées soulignent les années incompressibles de capitalisation de la connaissance pour mettre à un niveau opérationnel suffisant le savoir-faire des équipes appelées à mener ce nouveau type de combat. La transversalité dans la conduite des opérations nécessite la constitution d’équipes contenant/contenu très complémentaires et à fort niveau de créativité. L’atypisme n’est pas un facteur d’exclusion.

La pertinence d’une opération de guerre de l’information réside dans la compréhension du système-cible et l’anticipation des opportunités.

L’effet final recherché devra être précisé à partir de la lettre de mission définie par le donneur d’ordre. Dans tous les cas, l’objectif à atteindre doit être concret et adapté aux délais accordés ainsi qu’aux moyens humains et financiers engagés par le donneur d’ordre.

Responsable de la définition précise de son besoin, le donneur d’ordre doit être conscient des limites d’une telle opération. Plus l’effet final recherché est éloigné de la situation initiale, plus les délais et les ressources à engager s’avéreront conséquents. L’opération s’effectuant à son profit, il doit valider chaque étape et veiller au respect de la confidentialité durant et après toute l’opération. Les attributions de chacun doivent être précisées avant le début de la phase de planification. En effet, le regard d’une personne extérieure à l’équipe, mais tout aussi investie, représente une réelle plus-value et contribue à réduire les biais de confirmation.

Exemple de montage d’une opération

Première étape : identification des facteurs informationnels de risque

Faire un état des lieux en partant du principe qu’il s’agit d’étudier le terrain sous l’angle de l’information.

Déterminer les capacités d’influence ponctuelle ou durable d’une force hostile.

Répondre précisément à la question : quel est notre adversaire ?

Prise en compte du risque de laisser agir cet adversaire sans le contrer sur le terrain de l’information ?

Quels sont les dangers et les conséquences que l’absence de riposte informationnelle pose sur le long terme ?

Deuxième étape : analyse du rapport de force informationnel

 Nous sommes obligés de travailler au moins à deux niveaux :

  • Internet et les réseaux sociaux qui servent de caisse de résonance.
  • La connaissance approfondie du terrain et du facteur humain sur la zone cible est déterminante.

Troisième étape : études des éléments de langage

L’analyse du discours se situe aussi à deux niveaux :

Le discours « extérieur » est un prétexte pour légitimer une démarche d’engagement. Le discours « intérieur » exprime un rejet des institutions, de notre mode de vie et des valeurs sociétales de la France.

Un discours, aussi fédérateur soit-il, trouvera toujours des contradicteurs et des opposants. C’est pourquoi, l’ensemble des acteurs influents doit être étudié en fonction de leur positionnement dans le rapport de force informationnel.

Quatrième étape : mise en œuvre de l’opération de guerre de l’information

Pour modifier des comportements, une opération de guerre de l’information nécessite de planifier et de conduire des actions coordonnées dont les effets doivent pouvoir être évalués. 

Les effets de levier sont d’autant plus importants lorsqu’ils s’appliquent à une masse qui adhère au message. Pour ce faire, le message doit être accessible, compréhensible et convaincant.

Ce type d’opération s’inscrit dans la durée

Le succès d’une opération de guerre de l’information se mesure sur la fragilisation de l’influence de l’adversaire à traiter sur une zone prédéfinie.

Son efficacité reposant en grande partie sur le secret, il s’agit de fonctionner comme une cellule autonome dont la fiabilité des membres a été testée au préalable. Cela induit que les capacités nécessaires à la réalisation du projet aient été déterminées avant le début des études.

Si l’information doit circuler, elle doit aussi être cloisonnée d’une part, pour limiter les biais de confirmation et d’autre part, pour éviter une diffusion non maîtrisée d’éléments liés à l’opération. Le besoin d’en connaître s’applique donc de manière constante.

Enfin, la capacité des membres de la cellule à travailler ensemble constitue également un facteur déterminant : les tensions inhérentes à ce type de projet doivent être gérées rapidement pour empêcher les réactions de désolidarisation et leur éventuelle exploitation par un tiers.

Les circonstances, et parfois le donneur d’ordre, imposent de mener des actions avec des entités externes à l’équipe. Le partage de l’information ne doit pas remettre en cause la sécurité de l’opération. La composition et les capacités de l’équipe resteront confidentielles, hors réelle nécessité.

Dans tous les cas, une coordination rigoureuse s’avère nécessaire pour combiner les effets que peuvent produire les partenaires. Elle doit être intégrée dans le processus de planification propre à l’opération (prise en compte des risques liés à cette coopération).

Par ailleurs, il s’agit de déterminer au plus tôt quelle entité intervient au profit de l’autre et quelle autorité valide les orientations. Si le partenariat s’établit dans la durée, une collaboration plus poussée peut être envisagée, en prenant en compte les risques de manipulation. La fin du partenariat nécessite une évaluation des risques afférents. En fonction du degré de confiance/précaution, l’opération peut se poursuivre sur les mêmes bases ou être réorientée. Une veille sur l’activité des partenaires peut être envisagée pour anticiper une évolution non souhaitée de la situation.

Glossaire

Action d’information*: Les actions d’information désignent les activités offensives et défensives portant sur les données, les contenus informationnels (messages et connaissances) ou les systèmes d’information. (CICDE – 2012)

Attaque cognitive : alimenter une polémique pertinente vérifiée par le biais de faits objectifs. Il n’est pas nécessaire de duper ou désinformer (Christian Harbulot)

Biais cognitif : « Les biais cognitifs font référence aux erreurs identifiables qui se retrouvent dans notre jugement, et ce de façon prévisible et systématique. Ces erreurs se produisent lorsque les gens doivent interpréter et gérer l’information provenant du monde qui les entoure. » (Raccourcis, guide pratique des biais cognitifs)

Centre de gravité*: Élément matériel ou immatériel, dont un Etat, ou un ensemble d’Etats, une collectivité, une force militaire, tire sa puissance, sa liberté d’action ou sa volonté de combattre. Le centre de gravité peut être, selon le niveau d’analyse, stratégique, opératif ou tactique, et d’ordre strictement militaire, économique, politique, géographique ou psychologique (CICDE)

Contre-information : *Ensemble de mesures destinées à contrer la stratégie d’information, les opérations d’information, voire les actions de propagande et de désinformation mises en œuvre par un adversaire. (CICDE).

« La contre-information nécessite une préparation et une organisation […]. Elle est montée comme une véritable opération et répond à des exigences précises. Elle demande une excellente maîtrise des principales techniques de communication et s’inscrit dans un plan de stratégie et de management de l’information. Cette information doit être ouverte, argumentée, non manipulée, donc vérifiable. » (Loup Francart, La guerre du sens, p.263)

Désinformation* : Action faite sciemment par celui qui manipule l’information de façon à induire en erreur son adversaire, l’opinion publique, les médias, son objectif étant de créer une fausse réalité assez convaincante pour conduire l’audience-cible à se tromper en raisonnant juste. (CICDE)

Dominance stratégique : capacité d’un Etat d’interdire ou de dissuader un Etat rival de remettre en cause ses règles de conduite et sa perception du monde. (John Arquilla, 1994)

Échiquier : espace sur lequel cohabitent différents acteurs aux intérêts convergents et/ou divergents. La communication d’influence considère l’activité médiatique globale à travers l’étude de trois systèmes distincts et interdépendants, à savoir : l’échiquier concurrentiel (concurrents, fournisseurs et groupements professionnels), l’échiquier institutionnel (Etats, pouvoirs publics, institutions, collectivités) et l’échiquier de la société civile (consommateurs, syndicats, groupements d’intérêts, associations).

Encerclement cognitif : occupation du terrain informationnel, souvent par le biais de la morale

Espace informationnel autonome : Un espace informationnel autonome est une étendue, physique ou virtuelle, qui n’est pas figée et qui est caractérisée par trois sous-ensembles (un intérieur, une frontière et un extérieur). Le cœur de cet EIA correspond au rassemblement d’un groupe de personnes liées par des intérêts communs et qui bénéficient de la capacité d’établir eux-mêmes leurs propres règles. Ce même EIA permet la conservation et la diffusion d’informations sur différents supports. Il peut servir, à la fois, de source d’information, mais aussi d’un environnement permettant de recueillir, d’analyser, d’élaborer et d’échanger des informations. (Jean-Michel Barbier, Laurence Bault, Clément Chevignon, Fabien Renaudin, Les Espaces Informationnels Autonomes à l’ère du numérique, Rapport EGE, 2020)

Guerre cognitive : « utilisation polémologique de la connaissance ». Art de la polémique.

Guerre de l’information : Combinaison d’actions humaines ou technologiques destinées à l’appropriation, la destruction ou la modification de l’information afin d’obtenir un avantage informationnel sur son adversaire. Elle se décline en trois logiques, par, pour et contre : manipulation de la connaissance, maîtrise des canaux de diffusion et interdiction d’émission (Portail de l’IE) ;Elle consiste à contrôler son propre espace informationnel et à protéger l’accès à ses propres informations, tout en cherchant à obtenir et à utiliser celles de l’adversaire, à détruire ses systèmes d’information et à perturber le flux des informations (OTAN).

Guerre de l’information par le contenu : « usage offensif et défensif de la connaissance et de l’information » (Christian Harbulot, 50 ans de guerre de l’information, Podcast n°2)

Guerre psychologique : elle consiste à modifier le rapport des forces à son avantage par des moyens planifiés non coercitifs, en exerçant une influence sur les esprits, c’est-à-dire en affectant les comportements d’une cible par l’intermédiaire des cognitions ou des émotions. Parmi les techniques utilisées figurent la désinformation, la propagande, les mesures actives, l’intoxication et la subversion (Martin Libicki)

Hégémonie : selon Antonio Gramsci (1891-1937) désigne « l’ensemble des processus par lesquels s’engendre le consentement des masses humaines vis-à-vis du système de relations sociales. A ce titre c’est une construction à jamais inachevée, dont les ramifications s’étendent de l’existence journalière des individus aux sommets des Etats en passant par toutes les institutions et associations de la vie économique et de la société civile » (HOARE George, SPERBER Nathan, Introduction  à Antonio Gramsci, La Découverte, 2019) ; le rôle de l’hégémonie est de transformer l’idéologie en culture, en une « vision mondiale » perçue comme « normale et naturelle » par tous, perçue comme un bon sens évident. (WOODFIN Rupert, ZARATE Oscar, Introducing Marxism, a graphic guide, Icon Books, 2004)

Idéologie : Ensemble plus ou moins cohérent des idées, des croyances et des doctrines philosophiques, religieuses, politiques, économiques, sociales, propre à une époque, une société, une classe et qui oriente l’action. (CNRTL). Systèmes d’idées polémiques traduisant des passions ou des valeurs et visant à des effets politiques (François-Bernard Huygues, conférence du 20 janvier 2020 sur l’Art de la guerre idéologique)

Influence : *Fait d’obtenir des effets sur les attitudes et les comportements en agissant sur les perceptions (CICDE) ; « Stratégie indirecte visant à obtenir d’autrui un assentiment ou un comportement, soit par le prestige de son image, soit par une forme quelconque de persuasion ou de « formatage » des critères de jugement, soit, enfin, par la médiation d’alliés ou de réseaux. » (François-Bernard Huyghe dans Maîtres du faire croire).

Infodominance : néologisme issu de la contraction des termes information et domination. Il s’agit d’atteindre un degré de supériorité afin de disposer d’une suprématie stratégique sur ses concurrents. Pour accéder à cet objectif, il faut développer une capacité de récolte, d’analyse, de production et de diffusion de l’information d’une part, et empêcher son adversaire de faire la même chose d’autre part. L’infodominance repose donc sur un double socle : offensif et défensif. (Portail de l’IE)

Info Ops* : Acronyme anglo-saxon signifiant « opération(s) d’information » et désignant le processus d’analyse, de planification, de conduite et d’évaluation des effets et des actions issus de la stratégie militaire d’influence. Ensemble des actions menées par les forces armées, dirigé et coordonné au plus haut niveau, visant à utiliser ou à défendre l’information, les systèmes d’information et les processus décisionnels, pour appuyer une stratégie d’influence et contribuer, dans le cadre des opérations, à l’atteinte de l’état final recherché, en respectant les valeurs défendues. (CICDE)

Maîtrise de l’information* : « Au sein du processus décisionnel, aptitude à accéder à l’information en temps utile et à en faire un usage opérationnel efficace. Notes : 1/ Elle vise à garantir, en temps normal comme en temps de crise, le partage des informations pertinentes en vue de formuler et de transmettre au bon moment les ordres nécessaires. Elle comprend aussi bien l’acquisition de l’information, son analyse, sa diffusion et sa protection. La maîtrise de l’information est une composante essentielle de la stratégie d’influence. 2/ En opérations, elle est une aptitude destinée à construire un environnement favorable au succès des opérations et à leur compréhension aussi bien sur le théâtre qu’hors du théâtre par la mise en œuvre d’actions d’information ou d’actions de communication. Elle contribue enfin à la prise de l’ascendant sur l’adversaire, à la lutte contre la propagande, la désinformation ou la rumeur. Dans un conflit, la maîtrise de l’information vise à acquérir la supériorité informationnelle. » (2010, CICDE)

Netwar : « Netwar fait référence à un conflit lié à l’information entre des nations ou des sociétés. Cela consiste à essayer de perturber ou d’endommager ce qu’une population cible sait ou pense savoir d’elle-même et du monde qui l’entoure. Une netwar peut se concentrer sur l’opinion publique ou d’une élite, ou les deux. Elle peut impliquer la diplomatie, la propagande et les campagnes psychologiques, la subversion politique et culturelle, la tromperie ou l’interférence avec les médias locaux, l’infiltration de réseaux informatiques et de bases de données, et des efforts pour promouvoir des mouvements dissidents ou d’opposition à travers les réseaux informatiques. » (Traduit de l’anglais – Source ARQUILLA John, RONFELDT David, Cyberwar is coming, Rand, 2003)

Pouvoir discursif de l’Etat : « capacité pour un Etat à faire valoir son récit et ses vues politiques et à maîtriser les discours le concernant sur la scène internationale » (La guerre de l’information à l’ère numérique, sous la dir. Céline Marangé et Maud Quessard, PUF, 2021, p13

Propagande* : Ensemble des actions menées dans l’environnement informationnel en vue d’altérer, de contraindre et de contrôler les perceptions, les attitudes et les comportements. Son objet est de porter délibérément atteinte au libre arbitre individuel ou collectif par la dégradation ou la falsification de l’information. De nature coercitive, la propagande agit d’une manière malveillante qui la place hors du champ acceptable de l’influence. (CICDE)

Supériorité informationnelle : Situation où, par rapport à ses sources d’opposition, un acteur dispose d’un avantage relatif à rassembler, comprendre, exploiter et diffuser l’information sur un théâtre d’opération, lui permettant ainsi d’en extraire un avantage opérationnel.

Théâtre d’opération* : « Espace géographique délimité dans lequel une force opère pour remplir une mission fixée par l’autorité stratégique. » (CICDE – Dictionnaire des relations internationales et stratégiques/ GMRRIS (2009))

Bibliographie

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[1] Stephen Koch, La fin de l’innocence, les intellectuels de l’Occident et la tentation stalinienne, 30 ans de guerre secrète, Paris, Grasset, 1995.

[2] Pour le philosophe marxiste italien Antonio Gramsci (1891-1937), la lutte révolutionnaire implique de changer la société pour prendre le pouvoir.

[3] Le sénateur MacCarthy présida entre 1950 et 1954 un sous-comité d’investigations sur les activités antigouvernementales. Dans le cadre de cette traque, près de six millions de personnes furent interrogées. Plusieurs centaines de personnes furent démises de leurs fonctions. L’opuscule « cent choses que vous devriez savoir sur les communistes » a été distribué à des millions d’exemplaires.

[4] Le Congress for Cultural Freedom (CCF) fut dirigé de 1950 à 1967 par Michael Josselson, agent de la CIA. A son apogée, le CCF avait des antennes dans 35 pays. Il soutenait une vingtaine de revues, organisait des expositions et des conférences internationales, diffusait des films et soutenait la publication de livres comme le zéro et l’infini d’Arthur Koestler et 1984 de George Orwell.

[5] Matthew Connelly, L’arme secrète du FLN, Comment de Gaulle a perdu la guerre d’Algérie, Payot, 2011.

[6] Opération d’infiltration et d’intoxication à grande échelle, montée par les services secrets français contre l’Armée de Libération Nationale pour y susciter des purges internes.

[7] Interviewé par Patrick Barberis, dans l’émission Vietnam, la trahison des médias.

[8] Groupement de syndicats libres polonais impulsés par Lech Wałęsa en 1980.

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