Tristan GIRARD-GAYMARD, Enseignant-Chercheur à l’UCLy – UR Confluence Sciences et Humanités (EA 1598), Avocat associé Bruzzo Dubucq
Droit et géopolitique. Le droit a toujours été un instrument d’influence géopolitique. Le droit romain a été le droit des provinces conquises par Rome ; le Code civil de 1804 a suivi les conquêtes napoléoniennes et a rayonné dans une partie substantielle de l’Europe. Car le droit est le véhicule d’une influence et, dans une logique de conquête, quelle qu’en soit la forme, il peut être utilisé comme un instrument d’allégeance[1]. Imposer son droit à l’étranger, c’est faire acte de puissance. L’Histoire donne au vainqueur de ses grands évènements l’occasion d’une influence considérable. Ce fut le cas des États-Unis d’Amérique qui, à l’occasion de la Seconde Guerre mondiale, ont occupé une place de premier plan en Europe et, plus généralement, en Occident. Les moyens de cette influence ont été nombreux : financiers, militaires, culturels, politiques et, pour ce qui nous intéresse dans le cadre de la présente étude, juridiques.
Ainsi que l’écrit Arlette Martin-Serf, les États-Unis sont devenus « le premier guerrier juridico-économique de la planète »[2] à travers, tout particulièrement, l’application extraterritoriale de leur droit à des personnes étrangères[3]. Il s’agit là d’une « forme paroxystique du contrôle et de la contrainte »[4] d’origine le plus souvent publique, le Department of Justice étant à la manœuvre. Notre réflexion s’inscrit dans le contexte de cette guerre économique mondialisée.
Une logique propice aux rapports de domination. Le droit international privé est marqué par la logique qui caractérise le droit international public : celle d’une égalité, non entre les États, mais entre les parties à un rapport international. Cette logique égalitaire tranche avec le contexte dans lequel émerge le conflit de lois : la compétition[5]. Le conflit de lois est d’abord et avant tout une question de concurrence entre plusieurs ordres juridiques[6] et le droit international privé est soumis aux mêmes tensions que celles du droit économique. La compétition économique se joue aussi dans l’ordre de la détermination des règles ou du juge amené à en connaître.
Surtout, le droit international privé s’arcboute sur un objectif qui apparait aujourd’hui dépassé dans certaines circonstances : celui de la sécurité juridique[7], fondée sur le principe d’autonomie de la volonté[8]. Le droit international privé semble en effet incapable de remettre en cause le principe auquel il a donné naissance. Le droit international privé reste en effet sourd aux autres sciences qui, dès la fin du 19ème siècle, ont remis en cause l’autonomie de la volonté. La psychopathologie nous enseigne en effet que la figure anthropologique de l’homme libre est un « mensonge culturel »[9].
Dans les sciences juridiques, aucune branche du droit privé n’échappe au questionnement de l’autonomie de la volonté. La surdité du droit international privé est d’autant plus étonnante qu’une partie de la doctrine en remarque les excès.
Ainsi que l’écrit Jean-Baptiste Racine, dans un rapport de force inégalitaire, la stipulation de clauses attributives de compétence[10] peut « permettre à la partie puissante de tenter d’éviter l’application de lois de police protectrices de la partie faible[11]. L’effet est décuplé lorsque les parties combinent une clause d’élection de for[12] et une clause d’élection de droit[13], comme cela est fréquent en pratique »[14].
Les rapports d’allégeance privés. La présente étude ne traitera pas du phénomène de construction de rapports d’allégeance dans la sphère publique, c’est-à-dire dans les rapports entre un État et ses autorités judiciaires, d’une part, et une personne étrangère, d’autre part. Il s’agit là d’une dynamique déjà précisément décrite et que la doctrine peine d’ailleurs à déjouer[15]. Notre propos est plutôt d’étudier comment l’allégeance à une puissance étrangère peut apparaître dans les rapports privés et, plus précisément, dans les rapports entre entreprises étrangères et entreprises françaises.
La réflexion s’attachera principalement aux règles mises en œuvre dans le cadre de la compétition économique, c’est-à-dire celles du marché dans son sens le plus large. Ici, comme ailleurs, l’on rencontre de nombreuses stratégies de localisation au sein d’un vaste marché des ordres juridiques et des règles.
Si l’on devait tenter de délimiter, selon les qualifications françaises, le périmètre de ces règles, nous pourrions mentionner le droit des pratiques restrictives de concurrence[16] et des pratiques anticoncurrentielles[17]. Ce sont elles qui, à une époque où le redressement économique de la France n’a jamais occupé une place aussi importante dans le débat public, nous semblent mériter une analyse sous l’angle du droit international privé.
L’application internationale de ces qualifications du droit économique ne fait pas difficulté lorsqu’elle est le fait d’autorités publiques, telle l’Autorité de la concurrence. Plus délicate est en revanche l’application internationale du droit économique français à des comportements se situant « à la lisière du contrat »[18] et inévitablement soumis à la force d’attraction de la loi d’autonomie[19] dans le cadre de contentieux et de rapports privés.
Souveraineté étatique et rapports privés. L’histoire du droit international privé est celle d’une « inversion des relations traditionnelles entre l’autorité de l’État et l’autonomie des acteurs privés », inversion ayant octroyé aux acteurs le pouvoir « de s’approprier les limites que prétendent leur imposer les États »[20].
En dépit du caractère apparemment paisible de la matière, « le contentieux international suscite désormais de vrais conflits juridictionnels, dans lesquels l’affirmation d’une compétence devient un enjeu de pouvoir et s’accompagne d’armes puissantes »[21]. C’est probablement ce qui explique que très récemment le législateur, à l’occasion de la loi du 30 mars 2023 dite « Egalim 3 », a affirmé dès son article 1er que « les chapitres Ier, II et III du présent titre s’appliquent à toute convention entre un fournisseur et un acheteur portant sur des produits ou des services commercialisés sur le territoire français. Ces dispositions sont d’ordre public. Tout litige portant sur leur application relève de la compétence exclusive des tribunaux français, sous réserve du respect du droit de l’Union européenne et des traités internationaux ratifiés ou approuvés par la France et sans préjudice du recours à l’arbitrage »[22].
Pensé pour lutter contre le forum shopping[23], ce nouvel article nous rappelle que le droit international privé et la guerre économique ont en commun de mettre en jeu la souveraineté des États. Les conflits de lois et de juridictions ont en effet été classiquement pensés comme des conflits de souverainetés : « la soumission des personnes aux lois et aux juridictions d’une autorité politique est une manifestation du pouvoir de celle-ci »[24]. L’on sait que Savigny se désolidarisa de cette vision au 19ème siècle[25] et, lui emboitant le pas, une certaine doctrine considère aujourd’hui que la non-application de la loi d’un État à un rapport ne porte pas atteinte à son autorité, « dès lors que le législateur n’a ni volonté ni intérêt à ce que sa loi s’applique spécialement à ce rapport. L’intérêt supposerait que l’État soit directement concerné, ce qui est rarement le cas dans le domaine du droit privé »[26]. Ces mêmes auteurs écrivent qu’après tout, les rapports internationaux ne se rattachent pas à un seul État et que, dès lors, le législateur « ne souffre pas de l’application de la loi étrangère aux rapports internationaux »[27]. Ces énoncés appellent plusieurs remarques.
Premièrement, seul un État peut avoir un intérêt à défendre. Un législateur ne peut donc pas « souffrir » de voir son « intérêt » lésé[28].
Deuxièmement, et c’est sur ce point que nous souhaiterions insister, la déconnexion faite, par certains auteurs, entre intérêt de l’État et intérêts privés nous semble erronée. Un intérêt privé, celui d’une entreprise, peut croiser l’orbite de l’intérêt général. Il suffit de considérer une « entreprise cruciale » dans le sens que lui donne Marie-Anne Frison-Roche, c’est-à-dire une entreprise qui occupe « une place structurelle dans un secteur crucial »[29]. De plus, même non cruciales prises isolément, des entreprises attraites dans un même rapport international déséquilibré à leur détriment peuvent, par une sorte d’effet cumulatif, occuper une place cruciale pour un État. Si, par exemple, des entreprises françaises engagées sur le marché aval d’un autre marché contrôlé par un opérateur étranger contractent avec ce dernier un acte au terme duquel tout litige les opposant sera soumis au juge et au droit étranger, la France perd la possibilité de défendre par elle-même sa vision de l’ordre public économique à l’occasion d’un contentieux privé. Si ces entreprises concurrentes sont toutes soumises à un même comportement dont l’appréciation sera faite à l’étranger, l’effet cumulatif de ces comportements pourrait être délétère sur le territoire français, sans que l’État ne puisse s’en émouvoir, sauf bien sûr à faire usage de procédures d’initiative publique. Rappelons en effet, pour s’en tenir à cette question, que « le droit applicable aux relations interindividuelles est fréquemment porteur d’une certaine politique sociale ou économique, impliquant des intérêts sociétaux qui dépassent très largement ceux des seules parties à la relation juridique »[30]. En droit économique, au-delà de l’intérêt de l’entreprise, c’est l’intérêt du marché, érigé en valeur, qui est et doit être protégé[31].
Illustration de liens d’allégeance privée. Les rapports économiques se déploient très fréquemment sous la forme de contrats d’adhésion. Voici une entreprise française souhaitant diffuser les logiciels qu’elle conçoit sur le marché d’applications pour smartphones Play Store. Cette diffusion s’appuiera sur des conditions générales proposées par Google et auxquelles elle ne peut qu’adhérer. Ces conditions générales ont récemment été l’objet, sur action du Ministre de l’Économie, d’une contestation soumise au Tribunal de commerce de Paris[32], relative aux stipulations figurant au point 3 du contrat et intitulées « Tarifications et Paiements ». Cette clause permet à Google de percevoir une commission de 30 %, correspondant à des « frais de service » sur chaque vente réalisée via la plateforme. Dénuée de contrepartie suffisante, cette rémunération proportionnelle de Google a été jugée par le Tribunal comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Le Tribunal a par ailleurs enjoint Google de modifier les conditions générales en conséquence.
L’opportunité s’ouvre alors, pour l’ensemble des développeurs passant par le Play Store, de solliciter de Google qu’il restitue les commissions jugées abusives par le Tribunal, sa décision étant par hypothèse rétroactive. Or cette opportunité s’éteint aussitôt qu’elle nait puisque les conditions générales Google Play stipulent que tout litige découlant du contrat devra être soumis aux Tribunaux de la Californie statuant selon le droit du même état. Le cocontractant de Google est donc contraint de délaisser son ordre juridique pour supporter les contraintes, notamment financières, et les aléas d’un système de droit qui lui est étranger. Voici comment une entreprise étrangère peut asseoir et maintenir un lien d’allégeance à l’égard de ses cocontractants : en les privant du droit d’accès à leur ordre juridique. Est-il possible de déjouer ces stratégies de localisation ? Le droit international privé doit-il laisser libre cours à ces stratégies, d’ailleurs visibles chez d’autres entreprises en situation de prééminence ? C’est ce à quoi notre étude souhaite s’efforcer de répondre.
Plan. Bâties sur le socle de l’autonomie de la volonté, les règles du droit international privé rendent possible la construction de liens d’allégeance (I), tant en matière de compétence juridictionnelle que de droit applicable. Il convient cependant de penser un éventuel dépassement de cette allégeance subie (II).
I La construction de l’allégeance
Les socles du droit international privé rendent possible l’émergence de liens d’allégeance. Neutralité et autonomie de la volonté constituent la clef de voûte des règles de localisation des rapports de droit. Ces principes, que l’on ne saurait condamner en eux-mêmes, doivent cependant être adaptés aux enjeux économiques et sociaux contemporains. La sacralisation de l’autonomie de la volonté en droit international privé est tout particulièrement périmée, à tout le moins inadéquate, et ce à double titre.
En premier lieu, parce que le contexte d’élaboration de la règle de l’autonomie de la volonté est radicalement différent de celui de la mondialisation[33]. Depuis plusieurs décennies désormais les États ont largement ouvert leur économie dans le cadre d’une politique de libre-échange. De plus, Internet a rendu possible ce que l’on serait tenté d’appeler une mondialisation immobile, donnant le don d’ubiquité à toute entreprise connectée au Web marchand. Chaque entreprise devient ainsi une particule contractante susceptible de s’agréger à tout intérêt, quelle que soit sa localisation. Dans ce cadre de mondialisation numérique, la conclusion de contrats d’adhésion avec des acteurs étrangers est devenue quotidienne, ouvrant ainsi la porte de l’abus en matière contractuelle.
En second lieu, parce que donner un effet absolu à l’autonomie de la volonté et regarder les règles de compétence avec les lunettes de la neutralité peut aboutir à des situations insatisfaisantes. En effet, reconnaître compétence à un juge étranger est une forme de privation du justiciable français de la possibilité de faire valoir ses droits. En présence d’une pratique affectant un opérateur qui lui est étranger, le juge pourrait n’être aucunement sensible aux préoccupations de concurrence qui ne concernent pas son territoire. Enfin, la procédure étrangère constitue pour le demandeur victime de la pratique incriminée un obstacle considérable susceptible de laisser impunie ladite pratique. Ces effets indésirables se manifestent tant à l’égard de la compétence juridictionnelle (A) que du droit applicable (B).
A. L’éviction du juge français
Analyse économique des règles de compétence juridictionnelle. La principale stratégie visant à évincer les lois impératives d’un for[34] consiste à évincer ce for indésirable au terme d’une clause attributive de juridiction.
L’instrumentalisation des règles de compétences, notamment européennes, aboutit parfois à un résultat contraire à la rationalité économique des règles de compétences internationales. Une analyse économique de ces dernières promeut en effet la diminution des « coûts de transaction liés au contentieux transfrontière » et vise « à faire peser le risque de l’internationalité sur celui des plaideurs qui est le mieux à même d’en assumer le coût »[35]. Or lorsque la Cour de justice donne effet à des clauses attributives de compétence étrangère en présence d’une pratique anticoncurrentielle dont est victime une entreprise[36], elle contredit l’analyse économique précitée.
De plus, les instruments de droit international privé, particulièrement européens, sont aujourd’hui inadaptés à une conception contemporaine du contentieux international « qui voit dans l’action judiciaire un mécanisme de régulation aux effets qui dépassent les seuls intérêts des parties à la procédure »[37].
Variations autour de la compétence juridictionnelle. Les règles de compétence juridictionnelle applicables à une entreprise française dépendent du point de savoir si une clause élit les juridictions d’un État membre de l’Union européenne ou bien celles d’un État tiers.
Dans la première hypothèse, le Règlement Bruxelles I bis s’applique. Si l’autre partie (non-française) réside dans un État non-membre de l’Union, mais partie à la Convention de La Haye du 30 juin 2005, cette convention s’applique cependant.
Dans la seconde hypothèse, la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 ou la Convention de La Haye sont applicables, à tout le moins si le for choisi est celui d’un État signataire. Dans la négative, c’est le droit international privé commun qui doit s’appliquer. En droit commun, précisément, la Cour de cassation considère que l’applicabilité d’une loi de police française ne confère pas de compétence française exclusive de celle contractuellement prévue[38], la spécialisation des juridictions concurrentielles[39] n’étant pas de nature, selon une certaine doctrine, à nuancer cette solution[40]. C’est dire que le juge français ne saurait se reconnaitre compétent du seul fait qu’il serait susceptible, s’il jugeait autrement, d’appliquer une de ses lois de police. Voici le contexte dans lequel les stratégies de localisation du juge compétent peuvent déployer leurs effets.
C’est dans ce contexte normatif que les entreprises peuvent librement élire l’ordre juridique qui sert le mieux leurs intérêts[41]. Cela est vrai de la localisation de leur centre de gravité[42], mais également de leurs rapports avec autrui.
La validité de principe des clauses attributives de compétence. Une piste de remise en cause d’une clause attributive consiste pour le juge français, s’il est saisi malgré elle, à en prononcer la nullité. Mais le Règlement Bruxelles I bis, s’il est applicable, lui ordonne d’apprécier la validité de la clause selon le droit de l’État membre élu[43], et non selon son droit interne. La Convention de la Haye, si elle est applicable, permet simplement de laisser inappliquée la clause attributive qui pourrait aboutir « à une injustice manifeste ou serait manifestement contraire à l’ordre public de l’Etat du tribunal saisi »[44]. La seule directive d’interprétation dont nous disposons – le Rapport explicatif de la Convention – est par ailleurs on ne peut plus rigoureuse : l’expression « vise les normes ou principes fondamentaux de cet État ; elle ne permet pas au tribunal saisi de connaître du litige au seul motif que le tribunal élu pourrait enfreindre, d’une manière technique, une règle obligatoire de l’État du tribunal saisi. (…) la disposition ne permet pas à un tribunal de ne pas tenir compte d’un accord d’élection de for au seul motif qu’il ne serait pas contraignant en droit interne »[45]. Les règles du droit international privé assurent donc pleinement la résistance des clauses attributives de compétences juridictionnelles aux assauts d’un plaideur souhaitant localiser le différend dans l’État qui assurerait sa plus grande protection.
L’applicabilité des clauses attributives aux infractions économiques. La Cour de Justice adopte une lecture particulièrement englobante de l’article 23 du Règlement Bruxelles I bis, préjudiciable à la compétence du juge français en présence d’une pratique anticoncurrentielle ou d’une pratique restrictive commise au détriment d’une entreprise française.
En premier lieu, en matière d’ententes, la Cour de Justice considère que le juge doit « prendre en compte les clauses attributives de juridiction contenues dans des contrats de livraison, même si une telle prise en compte a pour effet de déroger aux règles de compétence internationale prévues aux articles 5, point 3, et/ou 6, point 1 » du Règlement Bruxelles I, « à la condition que ces clauses se réfèrent aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d’une infraction au droit de la concurrence »[46]. Elle motive cette solution en affirmant que « la Cour a déjà jugé que les règles de droit matériel applicables au fond d’un litige ne sauraient avoir d’influence sur la validité d’une clause attributive de juridiction »[47] – reprise de la jurisprudence Monster Cable de la Cour de cassation – et ajoute « que le système des voies de recours mis en place dans chaque État membre, complété par le mécanisme du renvoi préjudiciel prévu à l’article 267 TFUE, fournit aux justiciables une garantie suffisante à cet égard »[48]. Nous regrettons vivement que ce contrôle des « garanties suffisantes » ne soit réalisé que de façon abstraite par la Cour. Car si l’on ne peut qu’être d’accord sur l’existence d’une harmonisation européenne en matière d’ententes, il demeure que la saisine d’une juridiction étrangère, y compris dans l’espace européen, peut constituer un obstacle à l’introduction d’un recours.
En second lieu, en matière d’abus de position dominante, la Cour de Justice considère que si le comportement poursuivi « n’est pas étranger au rapport contractuel dans le cadre duquel la clause attributive de juridiction a été conclue »[49], celle-ci peut s’appliquer. Il nous semble utile de remarquer que dans les deux cas, la Cour de Justice prend soin de rappeler que la portée d’une clause attributive de juridiction est une question de sécurité juridique. Elle souhaite en effet « éviter qu’une partie ne soit surprise par l’attribution à un for déterminé de l’ensemble des différends qui surgiraient dans les rapports qu’elle entretient avec son cocontractant et qui trouveraient leur origine dans des rapports autres que celui à l’occasion duquel l’attribution de juridiction a été convenue »[50]. Comme souvent en droit international privé, le curseur est mis de ce côté, ainsi que sur celui de l’autonomie de la volonté. La logique d’allégeance est en revanche totalement occultée par le juge européen. La « surprise » d’une partie nous semble dérisoire à côté de sa potentielle éviction économique.
Inaptitude du droit spécial européen à remettre en cause les clauses attributives. Le droit européen le plus récemment adopté en réaction aux influences étrangères, comme le Règlement relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique[51], a manqué l’occasion d’affirmer la compétence impérative du for dans lequel est localisé l’utilisateur d’un service de plateforme essentiel ou, plus modestement, la compétence impérative des juridictions européennes. L’article 5-6 du Règlement précité est à cet égard porteur d’une apparente et malheureuse contradiction. Si le contrôleur d’accès ne doit pas empêcher ou restreindre « directement ou indirectement la possibilité pour les entreprises utilisatrices ou les utilisateurs finaux de faire part à toute autorité publique compétente, y compris les juridictions nationales, de tout problème de non-respect, par le contrôleur d’accès, du droit de l’Union ou national pertinent dans le cadre des pratiques de ce dernier », ce même contrôleur peut, en second lieu, établir « les conditions d’utilisation de mécanismes légaux de traitement des plaintes ». Autrement dit, les clauses attributives de compétence sont valables, y compris en présence d’une possible violation du Règlement précité.
Application au cas d’étude. Revenons maintenant à l’exemple pris précédemment relatif à Google Play. Si les cocontractants de Google saisissaient une juridiction française, celle-ci devrait se déclarer incompétente, une loi de police serait-elle applicable au fond du litige[52] et ce y compris en présence d’un rapport intra-européen[53]. Voici à quoi aboutit la distinction entre le forum et le jus en droit international privé. Cette séparation, qui n’est au demeurant qu’imparfaitement étanche, assure certes l’efficacité des prévisions des parties. Il nous semble cependant que cette efficacité pourrait être remise en cause en présence de contrats d’adhésion ou de pratiques qui, en raison de leur caractère systématique et contraire à l’intérêt macroéconomique d’un État, devraient relever de son ordre juridique. Il conviendrait à tout le moins que le juge, avant de se déclarer incompétent, vérifie que « les clauses de règlement des différends ne subvertissent pas les objectifs de la loi de police au fond »[54]. Si, dans le cadre de ce contrôle, est constatée une équivalence de finalité entre la loi de police du for saisi et celle du for désigné contractuellement, l’incompétence du for saisi se justifie[55]. Dans le cas contraire, le for saisi devrait tout à la fois se reconnaître compétent et appliquer sa loi de police. Cela permettrait de prendre en compte les spécificités de l’ordre juridique français en matière d’ordre public économique.
B. L’éviction du droit français
Méthode de détermination de la loi applicable et rapports de domination. La détermination de la loi applicable à un rapport de droit suppose la sélection d’un facteur de rattachement à un ordre juridique. Cette sélection s’effectue, selon la célèbre méthode savignienne[56], en fonction de la question à laquelle l’autorité saisie du litige doit répondre. La méthode savignienne souffre cependant deux principales critiques tenant à ses caractéristiques : elle est conçue comme neutre – elle ne considère pas le résultat de la mise en œuvre de chacune des lois en présence pour aboutir au choix d’une loi applicable – et elle est non-nationaliste, en ce sens qu’elle ne donne aucune primeur à la loi du for[57].
La combinaison de ces deux caractères peut aboutir à un résultat insatisfaisant. Il faut à cet égard indiquer que déterminer la loi applicable à l’aide d’un instrument regardé comme neutre et dénué de nationalisme est parfois inadapté. Car les rapports économiques dans lesquels sont engagés les opérateurs économiques d’un État ne sont ni neutres ni dénués de nationalisme. Tout au contraire, ces rapports sont des rapports de domination, formalisés dans des contrats d’adhésion contenant des clauses de droit applicable et de juridiction compétente au profit de l’étranger. Lorsque ces acteurs subissent un même comportement pathologique et standardisé de la part de leur cocontractant, l’effet cumulatif de ce comportement peut nuire aux intérêts économiques et sociaux de l’État dans lequel sont localisées les victimes. Appliquant une règle de conflit de lois se voulant neutre et dénuée de nationalisme, le juge du for subissant de telles atteintes devrait déterminer la loi applicable sans considérer les atteintes précitées, aboutissant à décliner la compétence de sa loi, parfois plus protectrice. Où l’on voit que l’application d’une méthode de résolution de conflits de lois soi-disant neutre peut aboutir à une injustice.
L’illusion des lois de police. Il existe pourtant un instrument non neutre de détermination de la loi applicable résultant de l’application d’une loi de police. Les règles de concurrence figurent parmi les lois de police[58], nationales et européennes, susceptibles de déjouer la loi désignée par une clause[59], néanmoins celles-ci n’ont aucune incidence sur la juridiction compétente, ainsi que nous l’avons rappelé.
La question se pose alors de savoir si un juge devrait appliquer une loi de police étrangère ? Par exemple, un juge irlandais doit-il appliquer la loi de police française ?
Il est un fait que nombre d’auteurs présentent en droit international privé, qui a presque acquis la certitude d’un fait biologique : celui de la nécessaire porosité entre les règles du for, c’est-à-dire de l’autorité saisie d’un litige, et les règles portées par des ordres juridiques étrangers présentant un lien avec le litige. Les normes applicables aux relations internationales seraient non seulement celles émises par le for saisi, mais également celles sécrétées à l’étranger[60]. Cela est vrai dans certaines circonstances : un mariage célébré en France peut être reconnu comme tel à l’étranger. Est-ce à dire que le droit étranger consolide systématiquement une situation valablement née en France ? Cela est concevable, particulièrement lorsqu’une convention internationale admet une reconnaissance mutuelle par exemple. Mais peut-on aller plus loin et considérer que le juge étranger applique en toute circonstance les règles fondamentales françaises à un litige dont il est saisi ?
Certains auteurs, raisonnant à partir du cas d’un juge français valablement saisi à l’égard d’une loi de police étrangère, écrivent que ce dernier « ne peut refuser d’appliquer la loi de police étrangère sous le prétexte que, ce faisant, il servirait les intérêts de l’État étranger »[61]. Ces mêmes auteurs y voient une sorte de cercle vertueux : si les juges d’un État appliquent les lois de police d’un autre État, les juges du second appliqueront ultérieurement les lois de police du premier[62]. Cette affirmation, qui confine au vœu pieux, n’est non seulement pas prouvée par ses auteurs, mais participe surtout d’une naïveté inadaptée aux relations de domination économique auxquelles elle est susceptible de s’appliquer. L’on a peine en effet à se représenter un juge étatsunien ou hongkongais appliquant une loi de police française. La doctrine américaine elle-même ne souscrit pas à l’angélisme français : plutôt que d’appliquer la loi de police étrangère, le juge américain crée « à partir des politiques législatives étrangères, la décision qu’il estime devoir rendre »[63]. Plus généralement, l’étude de la jurisprudence française et étrangère montre un faible taux d’application ou de prise en compte de la loi de police étrangère[64]. Même à l’intérieur de l’Union européenne, la prise en compte par le for saisi d’une loi de police étrangère n’est qu’une simple faculté, qui plus est enfermée dans une double restriction[65]. Il ne s’agit à notre sens que d’un moyen de prévenir un éventuel refus d’exequatur de la décision dans l’État porteur de cette loi de police, encore qu’en France il est désormais impossible de refuser de donner effet à un jugement étranger qui n’aurait pas appliqué une loi de police française[66]. La Cour de Justice précise par ailleurs que le juge n’est pas tenu de prendre en compte la loi de police émanant d’un autre État, sauf à titre « d’élément de fait »[67].
Certains auteurs s’en émeuvent de façon optimiste : « il est possible d’imaginer et d’espérer à l’avenir une prise en compte des lois de police étrangères tant les valeurs défendues et les objectifs poursuivis par les différents États se rapprochent à l’heure actuelle (comme en matière de concurrence) »[68]. Qu’il nous soit permis de disconvenir : deux juges situés dans deux États différents peuvent connaître et appliquer des notions analogues, ainsi de l’abus de position dominante, prohibé tant en Allemagne qu’aux États-Unis. Il n’en demeure pas moins que lorsqu’une entreprise américaine est auteur d’une telle pratique, le juge américain, s’il est saisi, aura nécessairement une vision différente de celle du juge allemand, s’agissant d’une pratique n’ayant pas eu d’effet sur son territoire et d’une entreprise que, consciemment ou non, il pourrait préserver d’une condamnation.
II Le dépassement de l’allégeance
Penser un éventuellement dépassement des liens d’allégeance que le droit international privé contribue à créer et maintenir nous semble supposer de poser un autre regard sur le contentieux privé international (A) ainsi que sur certaines notions du droit international privé (B).
A. Un autre regard sur le contentieux privé international
L’action fondée sur les règles du droit économique relève-t-elle de la « matière civile et commerciale » ? Le Règlement Bruxelles I bis n’admet aucune remise en cause de la clause attributive de compétence stipulée dans un contrat. C’est pour cette raison qu’il peut être pertinent de s’interroger sur son applicabilité à un litige mettant en jeu les règles du droit économique. Il est en effet de principe que la licéité d’une clause attribuant compétence à une juridiction étrangère est appréciée selon la loi du for. En France, il est une règle jurisprudentielle qu’une telle clause ne puisse faire échec à la compétence territoriale impérative d’une juridiction française[69], par exemple en matière d’assurance terrestre[70] ou de contrat de travail[71]. En matière de pratiques restrictives, la compétence impérative prévue par le nouvel article L. 444-1 A du Code de commerce pourrait alors trouver application.
L’éviction du Règlement Bruxelles I bis pourrait se réclamer d’une extension de la jurisprudence rendue à propos de l’action du Ministre de l’Économie. La Cour de cassation admet en effet, motif pris de l’autonomie de son action « attribuée au titre d’une mission de gardien de l’ordre public économique pour protéger le fonctionnement du marché et de la concurrence »[72], l’inopposabilité des clauses attributives au Ministre. Et la Cour d’ajouter que cette autonomie est justifiée par la faculté ministérielle de « saisir le juge pour faire cesser des pratiques illicites et prononcer des amendes civiles »[73]. Il est vrai que cette faculté relève d’une mission de défense de l’ordre public économique[74]. C’est à ce titre d’ailleurs que la Cour de Justice considère que l’action du ministre ne relève pas du Règlement Bruxelles I bis lorsqu’il use de pouvoirs « exorbitants par rapport aux règles de droit commun applicables dans les relations entre particuliers »[75].
L’on peut se féliciter de cette position. À première vue, l’impérativité du droit des pratiques restrictives « est entre les mains de plusieurs personnes dont une seule n’est pas tenue par la clause attributive de juridiction »[76]. Il faut comprendre, selon l’auteur de cette affirmation, qu’il importe peu que l’action privée[77] ne puisse aboutir puisque l’action publique – au sens d’action ministérielle – aura toute chance de prospérer, la clause d’élection de for lui étant inapplicable. Mais c’est oublier, d’une part, que le Ministre n’est pas le procureur des entreprises françaises[78], et l’on peine à découvrir la cohérence existant entre le libéralisme que sous-tend cette position jurisprudentielle et le résultat auquel elle aboutit, à savoir que les entreprises françaises s’en remettent à leur ministre pour faire valoir leurs droits.
D’autre part, l’action en responsabilité, au côté de la cessation et de l’amende civile, participe de l’impérativité d’un texte. L’action en responsabilité, fermée au Ministre, est d’ailleurs la matrice de la cessation de l’illicite[79]. Surtout, il nous semble que c’est moins l’organe à l’origine de la saisine du juge qui devrait importer, mais la nature des sanctions sollicitées. Car lorsqu’une juridiction reconnaît l’illicéité d’une pratique standardisée – par exemple une clause stipulée dans un contrat d’adhésion – c’est l’ensemble des cocontractants de la pratique poursuivie qui profite de la décision de condamnation. Il y a, en somme, dans la sanction de cessation ou de nullité, l’idée d’une défense de l’ordre public économique à l’occasion d’un contentieux privé.
Contentieux privé et défense de l’ordre public économique. À première vue, il est possible de considérer que les litiges entre personnes privées mettent uniquement en cause des intérêts privés, alors que les litiges découlant d’une action du ministre sont destinés à défendre l’ordre public. Cette vision est cependant tout à fait critiquable. Le critère de distinction tenant à l’auteur de la saisine du juge, est inopérant car, à notre sens, un texte ne peut pas être d’ordre public dans certaines circonstances et être dénué de cette qualité dans d’autres. Un texte est ou n’est pas d’ordre public. Autrement dit, ce qui fait le caractère d’ordre public d’un texte, c’est son énoncé et son enjeu pour le groupe social, non la personne qui l’invoque. Certes, un procès civil n’a jamais pour objectif premier la défense un intérêt général. Les règles du procès civil l’excluent par principe, s’agissant des règles qui gouvernent l’action et, notamment, l’intérêt à agir qui doit être direct et personnel[80]. Nul ne plaide par procureur a-t-on d’ailleurs l’occasion de rappeler pour synthétiser ces exigences. À première vue, tout procès met en cause des intérêts particuliers du défendeur et du demandeur, et uniquement ceux-ci. Il faut cependant nuancer cette affirmation.
D’abord, un procès se solde, faut-il le rappeler, par la création d’une norme, celle créée par le juge qui, en disant le droit et interprétant les textes applicables aux faits qui lui sont soumis, tranche le litige. Cette norme prétorienne est par ailleurs appelée à prendre place dans la jurisprudence de la juridiction qui l’a rendue et sera amenée à être invoquée en tant que précédent dont l’autorité sera proportionnelle à la place qu’occupe son auteur dans l’organisation judiciaire. Un procès n’est donc jamais un vase clos : son contenu débordera sur d’autres procès ultérieurs.
Ensuite, il y a des procès qui, bien qu’intentés entre personnes privées uniquement, mettent en jeu l’intérêt du groupe social ou d’une partie substantielle de celui-ci. Il suffit de prendre l’exemple du procès de l’amiante[81] ou de la défectuosité d’un médicament[82]. Le nombre d’intérêts, certes privés, possiblement concernés par un tel contentieux justifie que l’on regarde un procès isolé comme mettant en jeu l’intérêt général et appelle à dépasser le périmètre de la chose jugée en faisant une application, à un litige semblable, de la norme prétorienne ainsi posée. Il s’agit d’ailleurs d’une règle classique en contentieux de masse[83], qui relève de la logique de Private attorney bien connue de la Common law[84].
En tranchant un litige au visa de ses lois de police, le juge crée donc une norme que d’autres justiciables, placés dans une situation analogue, pourront invoquer à l’occasion d’un contentieux ultérieur. Certains auteurs disconviennent et écrivent qu’il « ne fait aucun doute que lorsque l’action d’une personne privée est fondée sur le titre IV du livre IV du Code de commerce, elle relève de la « matière civile et commerciale » au sens du règlement Bruxelles 1 bis »[85] et ne se présente donc pas sous les atours d’une action publique. La difficulté est que ces mêmes auteurs constatent, dans le même temps, que cette position offre aux opérateurs toute liberté de contourner l’ordre juridique français en stipulant une clause attributive de compétence[86]. Il n’est pas certain que l’on puisse se contenter de cet état des choses, ce d’autant que le droit comparé nous permettrait d’aboutir à une solution inverse. L’exemple québécois nous montre par exemple qu’un État peut prévoir expressément l’application de son droit lorsque certaines conditions objectives sont réunies[87] ainsi que sa compétence internationale directe[88].
Il nous semble donc qu’un contentieux privé mobilisant les règles du droit économique ne relève pas toujours de la défense d’intérêts privés, ses effets pouvant dépasser le strict cadre du litige inter partes. Un contentieux privé économique peut avoir les atours d’un contentieux public par le résultat auquel il aboutit. Ce constat devrait pouvoir aboutir à la reconnaissance de la compétence française lorsque ses lois de police sont applicables. La dénégation de la compétence française en présence d’une atteinte au marché français est d’autant plus étonnante qu’elle tranche avec l’histoire du droit international de la concurrence, qui très tôt a élaboré la théorie de la localisation des effets permettant, par exemple, à la Commission européenne, de se reconnaître compétente à l’égard d’une pratique affectant le marché commun, mais commise par un opérateur étranger[89].
B. Un autre regard sur les notions du droit international privé
Lier lex fori et compétence juridictionnelle. Il ne faut pas oublier que la liaison entre la loi du for et la compétence juridictionnelle a eu cours historiquement dans une partie de l’Europe. Un juge saisi d’un litige soumis à des règles différentes de celles qui gouvernent son for, pouvait se dessaisir au profit du juge étranger afin qu’il applique sa propre loi[90]. Dans cette même perspective, il conviendrait de revenir à une certaine forme de territorialité des lois, système que l’on sait intimement lié à l’idée de souveraineté[91].
La Cour de cassation, au terme de sa jurisprudence Monster Cable du 22 octobre 2008, ne semble pour l’instant pas ouverte à une telle perspective d’évolution. Ainsi que le relève un commentateur, « s’il ne faut bien évidemment pas confondre conflit de lois et conflit de juridictions, il n’en demeure pas moins que les deux questions entretiennent des liens très étroits et que les séparer par simple esprit de système est une curieuse façon de concevoir le contentieux » ; car en ce cas la compétence du juge étranger permet « à un plaideur d’échapper à une disposition impérative par le truchement d’une clause de compétence »[92]. On s’étonne, à défaut de s’en amuser, de la référence faite par un autre commentateur à une jurisprudence de la Cour de cassation belge qui, en 1979, aurait jugé que le choix des tribunaux suédois ne faisait pas obstacle à ce que le juge suédois applique une loi belge d’ordre public. Pour cet auteur, cela confirmerait qu’un tribunal étranger élu est en mesure d’appliquer les dispositions impératives françaises[93]. Une telle induction nous parait infondée. Les quelques décisions admettant qu’un juge étranger fasse application d’un disposition impérative française ne nous semblent pas révélatrices d’un principe en ce domaine. Ce d’autant qu’aucune décision émanant du juge étranger n’est jamais citée à l’appui d’une telle démonstration. Seule est analysée la décision du juge se déclarant incompétent au profit du juge étranger supposé appliquer la loi de police du for saisi en premier lieu.
Cet effet de privation de compétence du juge français se cumule d’ailleurs avec une privation de quelques mois son ainée, celle du refus de reconnaitre une décision étrangère rendue au mépris d’une loi de police française. L’arrêt Cornelissen précité du 20 février 2007, combiné à l’arrêt Monster Cable et son abondante descendance, empêche toute protection judiciaire des intérêts français par le juge français au stade de l’exequatur[94].
Cela devrait inciter les juristes à repenser la résolution des conflits de lois et de juridictions « en bloc »[95] c’est-à-dire de façon unitaire. C’est au demeurant ce qu’éminents auteurs ont théorisé au siècle dernier. Pour NIBOYET par exemple, il s’agirait de rechercher « où se localise l’intérêt de police » pour déterminer le juge compétent[96]. Car si une loi est une loi de police, son impérativité commande qu’un juge y prête main forte : « une vraie loi de police ne peut être laissée orpheline de juge »[97] résume ainsi fort justement Louis d’Avout.
Déjouer l’effet attractif du contrat sur la nature de l’action intentée sur le fondement du droit économique. La construction de liens d’allégeance est rendue possible par l’interprétation retenue par la Cour de Justice des textes européens. Lorsque la Cour dit par exemple pour droit que la responsabilité liée à une rupture brutale n’est pas nécessairement de nature délictuelle[98], elle place cette responsabilité dans les limites du contrat sur lequel les parties ont le plus souvent fondé leur relation. En faisant cela, la Cour ferme d’abord la porte de l’application du Règlement Rome II. Ce dernier vise, rappelons-le, les « actions en concurrence déloyale » et les actions « résultant d’un acte restreignant la concurrence » et attribuant impérativement compétence au droit français pour appréhender ces pratiques[99]. Un accord sur la loi applicable est certes possible en matière délictuelle, mais sa validité est considérablement limitée par l’article 6-4 du Règlement Rome II, qui interdit de déroger aux solutions portées par l’article 6, mais également par l’article 4 auquel il renvoie en présence d’un « acte de concurrence déloyale affect[ant] exclusivement les intérêts d’un concurrent déterminé». D’une manière générale, la combinaison de l’article 4 et de l’article 6 permet de rendre applicable la lex loci delicti et donc la loi française s’agissant d’une entreprise française victime.
Ensuite, en faisant demeurer la rupture brutale dans la matière contractuelle, la position adoptée par la Cour de Justice ouvre la porte de la contractualisation du droit applicable à cette matière et laisse donc libre cours à la domination d’un contractant sur l’autre.
Sans réanalyser en détail la jurisprudence française relative à la nature de la responsabilité encourue en matière de rupture brutale, il nous semble qu’un moyen de déjouer les stratégies de localisation en cette matière consisterait, pour la Cour de Justice, à s’aligner sur la position française établissant une responsabilité délictuelle de l’auteur de la rupture[100], et ce en présence d’une faute trouvant son origine dans la loi, et non dans le contrat conclu par les parties.
Abandonner l’interprétation restrictive de la notion de loi de police. La Cour de Justice a dégagé un principe d’interprétation stricte de la notion de loi de police, et ce avant comme après l’entrée en vigueur du Règlement Rome I. L’on n’est guère surpris par une telle position venant d’une juridiction dont la fonction est de gommer les spécificités des ordres juridiques européens. Le célèbre arrêt Unamar de 2013 précise ainsi que : « pour donner plein effet au principe d’autonomie de la volonté des parties au contrat, pierre angulaire de la convention de Rome, reprise dans le règlement Rome I, il y a lieu de faire en sorte que le choix librement opéré par ces parties quant à la loi applicable dans le cadre de leur relation contractuelle soit respecté, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la convention de Rome, de sorte que l’exception relative à l’existence d’une “ loi de police”, au sens de la législation de l’État membre concerné, telle que visée à l’article 7, paragraphe 2, de cette convention, doit être interprétée de manière stricte »[101]. Depuis lors, la Cour de justice ne cesse de rappeler cette exigence d’interprétation stricte de la notion de loi de police[102].
Le motif adopté par la Cour – respecter le principe d’autonomie de la volonté – nous semble, pour les raisons exposées précédemment, largement erroné. Il est des cas dans lesquels la loi applicable n’a pas été librement consentie par une partie. En ce cas, il est souhaitable de donner effet aux lois de police du for. Raisonner autrement revient à faire application d’une fiction. Or, toute fiction n’est tenable, en droit, que dès lors qu’elle ne heurte pas excessivement la réalité des choses qu’elle appréhende.
Précisément, le législateur, en mars 2023, a souhaité rompre avec l’interprétation stricte des lois de police en droit économique et a réputé les chapitres I, II et III du Titre IV du Livre IV « d’ordre public ». Cette démarche est maladroite car, ainsi que le remarquent des auteurs, certaines dispositions incluses dans ces chapitres ne sauraient recevoir une telle qualification. C’est le cas, par exemple, de l’article L. 440-1 du Code de commerce sur la CEPC[103]. C’est plutôt l’idée générale qui doit nous intéresser : la volonté du législateur d’affirmer l’impérativité internationale des dispositions qu’il envisage, à tout le moins celles qui, en droit interne, sont impératives, telle la prohibition du déséquilibre significatif. Si l’on comprend le motif de l’interprétation stricte des lois de police – minimiser l’unilatéralisme et assurer la sécurité des prévisions des parties – il nous semble qu’une considération supérieure doit justifier un desserrement de l’étau dans lequel la jurisprudence enferme les lois de police : déjouer les stratégies de localisation des rapports économiques imposées par de puissants opérateurs étrangers au détriment des entreprises françaises.
La révision des instruments supranationaux. Il est difficile d’entrevoir la révision des instruments supranationaux qui instituent les règles du droit international privé. Le droit positif constitue déjà un compromis précaire, acquis parfois de haute lutte. Il nous semble cependant inconcevable de ne pas penser ce que devrait être le droit international privé conforme aux enjeux que nous avons exposés.
Une première réforme à opérer pourrait consister dans la modification de l’article 23 du Règlement Bruxelles I bis, afin de donner la possibilité au for saisi, mais non élu, d’apprécier la validité de la clause attributive de compétence selon sa propre loi.
Une seconde réforme pourrait résider dans la révision de l’article 3-5 du Règlement Rome I, au terme duquel la validité de la clause de choix de loi applicable devrait être régie par la loi de l’État au sein duquel et localisé le juge compétent, que ce juge ait été élu ou bien simplement saisi et déclaré compétent.
Une troisième réforme devrait concerner l’article 6-c de la Convention de La Haye. Sa modification pourrait être la suivante : « donner effet à l’accord aboutirait à une injustice manifeste ou priverait la partie auquel il est opposé du droit d’invoquer des dispositions impératives de l’État dans lequel il a sa résidence habituelle ». Serait ainsi reconnectés loi de police et juge compétent. Cela contribuerait ainsi à réaliser la théorie du « moindre sacrifice » de Pillet, au terme de laquelle c’est « la loi de l’État qui a le plus grand intérêt à ce que le but poursuivi par la loi en question soit atteint »[104] qui doit s’appliquer.
Plus simplement, et il s’agirait d’une quatrième piste de réflexion, il conviendrait d’insérer dans ces instruments supranationaux une disposition reprenant la substance de l’article 14-1-b du Règlement Rome II et permettant au juge de contrôler si une clause d’electio juris a été « librement négociée » pour, le cas échéant, la laissée inappliquée.
Toujours de façon générale, mais à propos de la compétence juridictionnelle, il conviendrait de considérer que lorsque l’État dans lequel une partie a sa résidence habituelle a posé, par une disposition impérative, une compétence exclusive de ses juridictions pour connaître de telle matière, le for de cet État peut se déclarer compétent nonobstant toute clause contraire.
En somme, la protection de la souveraineté économique des États passe par le retour à une certaine forme d’unilatéralisme et un cantonnement du libéralisme caractéristique du droit international privé. Le 20ème siècle a fait la promesse d’une mondialisation heureuse profitant à tous ; le 21ème siècle doit être celui d’une prise de conscience de ses limites et doit avoir en ligne de mire l’intérêt supérieur de l’État et de ses entreprises. Car derrière eux, il y a des personnes qui subissent très concrètement l’angélisme du droit international privé.
[1] Nous renvoyons le lecteur à la lumineuse réflexion menée par Alain Supiot dans son Cours au Collège de France : « Les figures de l’allégeance » (2014), et qui voit dans l’allégeance comme un lien de dépendance, chacun devant servir au mieux les intérêts de celui dont il dépend et devant pouvoir compter sur la loyauté de ceux qui dépendent de lui.
[2] A. Martin-Serf, « Extraterritorialité du droit américain : la lex mercatoria, machine de guerre économique », in Le droit entre ciels et terres – Mélanges en l’honneur du professeur Laurence Ravillon, Pedone, 2022, p ; 261.
[3] Voy. not. sur cette question A. Garapon et P. Servan-Schreiber (dir.), Deals de justice – Le marché américain de l’obéissance mondialisée, PUF, 2013 ; F. Pierucci, Le piège américain, J.-C. Lattès, 2019.
[4] A. Martin-Serf, « Extraterritorialité du droit américain : la lex mercatoria, machine de guerre économique », art. cit., p. 264.
[5] D. Bureau et H. Muir Watt, Droit international privé, t. 1, 5ème éd., PUF, 2021, n° 327.
[6] Ibid., n° 17.
[7] Voy. en ce sens P. Mayer, V. Heuzé et B. Rémy, Droit international privé, 12ème éd., LGDJ, 2019, n° 34.
[8] L’autonomie de la volonté est une « théorie fondamentale selon laquelle la volonté de l’homme (face à celle du législateur) est apte à se donner sa propre loi, d’où positivement pour l’individu la liberté de contracter ou de ne pas contracter celle de déterminer par accord le contenu du contrat dans les limites laissées à la liberté des conventions par l’ordre public et les bonnes mœurs, celle, en principe, d’exprimer sa volonté sous une forme quelconque (G. Cornu, Vocabulaire juridique, 12ème éd., PUF, 2018, v° « Autonomie »).
[9] R. Gori, L’individu ingouvernable, Les liens qui libèrent, 2015, p. 205.
[10] Par le jeu de cette clause, les parties à un contrat peuvent choisir la juridiction qui sera exclusivement compétente pour trancher leurs futurs différends.
[11] Une loi de police est, selon l’article 9.1 du Règlement Rome I du 17 juin 2008, une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d’après ce règlement.
[12] Il s’agit d’une autre appellation de la clause attributive de compétence.
[13] Par le jeu de cette clause, les parties à un contrat choisissent selon quel droit le juge compétent devra trancher le différend qui les oppose.
[14] J.-B. Racine, « Droit économique et lois de police », RID éco, 2010, n° 1, p. 73.
[15] Voy. not. M. Audit, R. Bismuth et A. Mignon Colombet, « Sanctions et extraterritorialité du droit américain : quelles réponses pour les entreprises françaises ? », JCP G, n° 1-2, 12 janvier 2015, 37.
[16] Nous visons ici les règles prévues aux articles L. 442-1 et suivants du Code de commerce et qui constituent des spécificités françaises dans le champ du droit économique.
[17] Nous visons ici les règles prévues aux articles L. 420-1 et suivants du Code de commerce et qui concernent tout particulièrement les abus de position dominante et les ententes.
[18] M. Behar-Touchais, « Abus de puissance économique et droit international privé », RID éco, 2010, n° 1, p. 40.
[19] Il s’agit de loi compétente pour régir l’acte juridique (plus spécialement le contrat), ainsi nommée par référence au rôle de la volonté (c’est la loi que les parties ont choisie ou, à défaut de volonté exprimée, celle du pays où elles ont entendu localiser l’opération) (G. Cornu, Vocabulaire juridique, op. cit., v°« Autonomie »).
[20] H. Muir-Watt, « La fonction économique du droit international privé », RID éco, 2010, n° 1, p. 106.
[21] D. Bureau et H. Muir Watt, Droit international privé, t. 1, op. cit., n° 119-2.
[22] Nous soulignons.
[23] Pratique consistant à choisir un tribunal le mieux à même de défendre les intérêts d’une partie au litige.
[24] P. Mayer, V. Heuzé et B. Rémy, Droit international privé, 12ème éd., LGDJ, 2019, n° 71. Voy. plus généralement E. Pataut, Principe de souveraineté et conflits de juridictions (préf. P. Lagarde), LGDJ, 1999.
[25] F.-C. von Savigny, Traité de droit romain (trad. Ch. Guenoux), 1849, réimpr. Éd. Panthéon-Assas, 2022, spéc. n° 361.
[26] P. Mayer, V. Heuzé et B. Rémy, Droit international privé, 12ème éd., LGDJ, 2019, n° 71.
[27] P. Mayer, V. Heuzé et B. Rémy, Droit international privé, op. et loc. cit.
[28] Cette réflexion se rapproche de l’affirmation, dans la pensée savignienne, de la neutralité des règles de conflit de lois. Cette neutralité n’est que de façade et il est piquant de remarquer que la remise en cause dogme de la neutralité politique des conflits de lois est venue des États-Unis (voy. D. Bureau et H. Muir Watt, Droit international privé, t. 1, op. cit., n° 332), État qui a compris avant les autres les ressorts juridiques de la guerre économique.
[29] Voy. not. « Réguler les entreprises cruciales », D. 2014, n° 27, p. 1556, n° 77.
[30] D. Bureau et H. Muir Watt, Droit international privé, t. 1, op. cit., n° 345.
[31] M.-M. Salah, « Droit économique et droit international privé », RID éco, 2010, n° 1, p. 17.
[32] T. com. Paris, 28 mars 2022, n° 2018017655.
[33] La loi d’autonomie, dont les origines remontent probablement au XVI° siècle, a été formulée en premier lieu par un juge britannique en 1760. En 1910, la Cour de cassation l’a consacrée dans un arrêt American Trading Co. La doctrine a mis en évidence les vertus de la loi d’autonomie : prévisibilité ; neutralité et adéquation du droit applicable au projet des parties. Ces atours de la loi d’autonomie expliquent probablement pourquoi sa reconnaissance, tant en matière de droit applicable que de juridiction compétente, a été admise sans controverse majeure. Voy. plus généralement sur l’individualisme et le droit international privé : E. Lenglart, La théorie générale des conflits de lois à l’épreuve de l’individualisme (préf. D. Bureau), LGDJ, 2023 et du même auteur « Les conflits de juridictions à l’épreuve de l’individualisme », RCDIP, 2023, n° 2, p. 317.
[34] Ce terme signifie, en droit international, privé, « Tribunal » ou « Juridiction ».
[35] D. Bureau et H. Muir Watt, Droit international privé, t. 1, op. cit., n° 123.
[36] CJUE, 24 octobre 2018, aff. n° C-595/17, eBizcuss pour les abus de position dominante et CJUE 21 mai 2015, aff. n° C‑352/13, CDC pour les ententes.
[37] D. Bureau et H. Muir Watt, Droit international privé, t. 1, op. cit., n° 126.
[38] Civ. 1ère, 22 octobre 2008, n° 07-15.823.
[39] Art. L. 420-7 et L. 442-4 du Code de commerce).
[40] M. Chagny (dir.), Droit économique, Lamy, 2023, n° 6575.
[41] Voy. en ce domaine L. d’Avout, L’entreprise et les conflits internationaux de lois, Brill, 2019.
[42] Voy. en droit des sociétés J.-B. Tap, La localisation des sociétés (préf. M. Menjucq), PUAM, 2017.
[43] Art. 25-1 du Règlement.
[44] Art. 6-c de la Convention de la Haye.
[45] T. Hartley et M. Dogauchi, Rapport explicatif de la Convention de la Haye, Intersentia, 2013, p. 60.
[46] CJUE 21 mai 2015, aff. n° C‑352/13, CDC, pt. 73.
[47] Ibid., pt. 62.
[48] Ibid., pt. 63.
[49] CJUE, 24 octobre 2018, aff. n° C-595/17, Apple Sales International, pt. 27.
[50] Ibid., pt. 22. Voy. également CJUE 21 mai 2015, aff. n° C‑352/13, CDC, pt. 68.
[51] Règlement 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828 (règlement sur les marchés numériques).
[52] Civ. 1ère, 22 octobre 2008, n° 07-15.823.
[53] Com., 24 novembre 2015, n° 14-14.924 ; Civ. 1ère, 18 janvier 2017, n° 15-26.105 ; Civ. 1ère, 20 novembre 2019, n° 18-21.854.
[54] H. Muir Watt, « L’affaire Lloyd ‘s : globalisation des marchés et contentieux contractuel », Rev crit. DIP, 2002, p. 509, n° 9.
[55] Voy. pour une illustration outre atlantique : US District Court for the Northern District of Illinois, Bonny v. Society of Lloyd’s, 784 F. Supp. 1350 (N.D. Ill. 1992), comparant droits anglais et américain en matière de protection des investisseurs sur les marchés financiers.
[56] Friedrich Carl von Savigny (1779-1861) est un juriste allemand dont la pensée a grandement influencé l’approche classique du conflit de lois.
[57] P. Mayer, V. Heuzé et B. Rémy, Droit international privé, 12ème éd., LGDJ, 2019, n° 117.
[58] P. Mayer, V. Heuzé et B. Rémy, Droit international privé, 12ème éd., LGDJ, 2019, n° 127.
[59] B. Goldman, Cours Acad. de La Haye, 1969, III ; pp. 631 et s.
[60] Voy. P. Mayer, V. Heuzé et B. Rémy, Droit international privé, 12ème éd., LGDJ, 2019, n° 17.
[61] P. Mayer, V. Heuzé et B. Rémy, Droit international privé, 12ème éd., LGDJ, 2019, n° 131.
[62] Ibid.
[63] H. Maier et Th. Mc COY, « A Unifying Theory for Judicial Jurisdiction and Choice of Law », American Journal of Comparative Law, 1991, vol. 39, p. 252.
[64] N. Nord, Ordre public et lois de police en droit international privé, thèse Strasbourg, 2003, nos 692 et s.
[65] L’article 9 du Règlement Rome I dispose en effet que « il pourra également être donné effet aux lois de police du pays dans lequel les obligations découlant du contrat doivent être ou ont été exécutées, dans la mesure où lesdites lois de police rendent l’exécution du contrat illégale ». Nous soulignons.
[66] Civ. 1ère, 20 février 2007, n° 05-14.082.
[67] CJUE, 18 octobre 2016, aff. n° C‑135/15, Republik Griechenland c./ Grigorios Nikiforidis, pt. 51.
[68] J.-B. Racine, « Droit économique et lois de police », RID éco, 2010, n° 1, p. 76.
[69] Civ. 1ère, 17 décembre 1985, n° 84-16.338.
[70] Civ. 1ère, 17 juin 1997, n° 95-18.045.
[71] Soc., 8 juillet 1985, 8 juillet 1985, n° 84-40.284.
[72] Com., 6 juillet 2016, n° 15-21.811.
[73] Voy. désormais l’art. L. 442-4 du Code de commerce.
[74] Voy. encore récemment en ce sens Com., 8 juillet 2020, n° 17-31.536, à propos du déséquilibre significatif et de l’avantage indu.
[75] CJUE, 22 décembre 2022, aff. n° C-98/22, Eurelec Trading SCRL et Scabel SA contre Ministre de l’Économie et des Finances. Voy. également, annonciateur de cette solution : CJUE, 16 juillet 2020, aff. n° C-73/19, Movic BV.
[76] M. Behar-Touchais, « Abus de puissance économique et droit international privé », RID éco, 2010, n° 1, p. 52.
[77] Une action est dite privée lorsqu’elle est intentée par une personne privée, physique ou morale.
[78] Contra M. Behar-Touchais et C. Grimaldi, J.-Cl. Commercial, 2023, « Fasc. 22 – Actualité : La loi Descrozaille dite Egalim 3 ou la victoire des fournisseurs contre les distributeurs », n° 15, affirmant que « si l’on reste logique avec l’analyse d’action publique de l’action du ministre, la loi française s’applique à cette action, sans qu’il soit besoin de passer par le mécanisme de la loi de police, car il n’y a plus de conflit de lois. Même si cela ne concerne que l’action du ministre (et non les actions privées), cela suffit à protéger les différents acteurs ».
[79] C. Bloch, La cessation de l’illicite (préf. R. Bout), Dalloz, 2008.
[80] Voy. not. l’article 31 du Code de procédure civile.
[81] Voy. encore dernièrement Soc., 8 février 2023, n° 21-14.451.
[82] Voy. l’exemple du diéthylstilbestrol : Civ. 1ère, 24 septembre 2009, n° 08-16.305.
[83] Voy. par ex. les art. L. 623-4 et s. du Code de la consommation, qui prévoient qu’un juge crée d’abord une norme sur le principe de la responsabilité du défendeur, pour ensuite l’appliquer au groupe de consommateurs concerné.
[84] Il s’agit de désigner le procès, intenté par une personne particulière, en défense de l’intérêt général.
[85] M. Behar-Touchais et C. Grimaldi, J.-Cl. Commercial, 2023, « Fasc. 22 – Actualité : La loi Descrozaille dite Egalim 3 ou la victoire des fournisseurs contre les distributeurs », n° 6.
[86] Ibid.
[87] Voy. l’art. 3129 du Code civil du Québec.
[88] Voy. sur ce point l’étude de P. Vareilles-Sommières, « Lois de police et politiques législatives », RCDIP, 2011, p. 207.
[89] Voy. la décision Comm. CE, 19 décembre 1984, Importations d’aluminium d’Europe de l’Est, JOCE, n° L. 92/1 du 30 août 1985. Voy. plus généralement sur cette question R. Kovar, « Droit communautaire de la concurrence et droit international », Cah. dr. Eur. 1986, n° 2, pp. 127 et s.
[90] P.-M. Dupuy et Y. Kerbrat, Droit international public, op. cit., n° 55.
[91] Ibid., n° 54.
[92] Ph. Delebecque, note sous Civ. 1ère, 22 octobre 2008, n° 07-15.823, RTD com., 2009, p. 646.
[93] A. Huet, note sous Civ. 1ère, 22 octobre 2008, n° 07-15.823, « Clause attributive de juridiction à un tribunal étranger et loi française de police et de sûreté », D. 2009, p. 684.
[94] Décision par laquelle un tribunal donne force exécutoire à une décision de justice étrangère. Cette décision permet ensuite de faire exécuter sur le territoire français ladite décision.
[95] L. d’Avout, note sous Civ. 1ère, 22 octobre 2008, n° 07-15.823, JCP G, n° 47, 19 novembre 2008, II, 10187.
[96] J.-P. Niboyet, Traité de droit international privé français, t. VI-I, Sirey, 1949, n° 1834. Dans le même sens, É. Pataut, Principe de souveraineté et conflits de juridictions (étude de droit international privé), LGDJ, 1999, nos 196 et s.
[97] L. d’Avout, note préc. sous Civ. 1ère, 22 octobre 2008, préc.
[98] CJUE, 14 juillet 2016, aff. n° C-196/15, Granarolo.
[99] Voy. l’art. 6 du Règlement n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles.
[100] Com., 11 mai 2010, n° 09-10.797.
[101] CJUE, 17 octobre 2013, aff. n° C-184/12, Unamar, § 49.
[102] CJUE, 31 janvier 2019, aff. n° C-149/18, Agostinho da Silva Martins.
[103] M. Behar-Touchais et C. Grimaldi, J.-Cl. Commercial, 2023, « Fasc. 22 – Actualité : La loi Descrozaille dite Egalim 3 ou la victoire des fournisseurs contre les distributeurs », n° 13.
[104] A. Pillet, Traité pratique de droit international privé, Sirey, 1923, n° 33.