#3 La manipulation des opinions. Comment la société civile est devenue un champ de bataille

Au cours du XXe siècle, la société civile a connu différents champs d’affrontement : social, idéologique, politique. Les grèves ouvrières, les manifestations de rue, les meetings politiques étaient les moyens les plus usités pour exprimer des rapports de force. L’information était surtout un moyen de marquer sa présence par le biais de l’affiche, du slogan peint sur un mur ou du tract distribué sur la voie publique.

La recherche d’une résonance dépassait rarement le cadre de l’usine, du quartier ou du terrain électoral. Des campagnes internationales entraînant une mobilisation de masse eurent lieu au milieu des années 1930 (comité Amsterdam-Pleyel de lutte contre la guerre et le fascisme) et au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (appel de Stockholm pour la défense de la paix dans le monde). Les manipulations de l’information ont été multiples. Citons pour mémoire le cas exemplaire de la polémique sur le massacre de Katyn en 1940, l’assassinat de masse de plusieurs milliers d’officiers polonais par les forces de sécurité soviétiques. L’URSS a accusé l’Allemagne nazie d’en être responsable jusqu’à la reconnaissance des faits en 1992 par la Russie, dirigée alors par Boris Eltsine. Les États-Unis furent aussi accusés de pratiquer des manipulations de l’information. Dans l’affaire des « Pentagon Papers », 7 000 pages secret défense émanant du Département de la Défense furent divulguées par Daniel Ellsberg, un ancien analyste de la Rand Corporation. Les documents révélaient que le gouvernement américain avait menti en masquant sa volonté d’intensifier l’effort de guerre alors que le président Lyndon Johnson avait promis de ne pas s’impliquer davantage dans le conflit.

Ces manipulations faisaient souvent l’objet de débats publics qui opposaient les partisans des deux blocs. Aucun camp ne détenait réellement le monopole de la morale sur la question de l’information. La disparition de l’URSS a mis fin à cet état de fait.

La « morale » de la société civile se substitue à la confrontation idéologique

La montée en puissance de la société de l’information contribua à une mutation des rapports de force informationnels. Les débats issus de la société civile se substituèrent aux affrontements idéologiques qui avaient dominé l’histoire du monde depuis deux siècles. Le militantisme classique céda la place à l’engagement à vocation « humanitaire ». Internet puis les réseaux sociaux ont sorti l’information du cadre dicté par la pratique militante. La démultiplication de la prise de parole en temps réel et sa portée illimitée au niveau mondial ont donné aux acteurs de la société civile une capacité d’intervention jamais connue auparavant.

Désormais, l’ennemi n’est plus l’opposant politique mais peut être, selon les circonstances, un gouvernement, une administration, une entreprise ou une activité professionnelle. Le fait de dénoncer une injustice devient un moyen d’action destiné à obtenir des résultats concrets. À titre d’exemple, le retrait en 1997 du projet de l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) est le fruit d’une des premières campagnes internationales de mobilisation d’acteurs de la société civile.

La professionnalisation de l’engrenage médiatique

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