Par Jean-François Bianchi
Le concept de « guerre économique » désigne l’ensemble des conflictualités entre agents et puissances économiques. Il porte en lui un défi, celui de nommer l’ennemi économique de façon subtile, mais aussi de définir ce qu’il est dans ses différents états Si l’ennemi économique se confondait autrefois avec l’ennemi politique ou militaire, sa prépondérance est aujourd’hui devenue effective dans les oppositions d’une économie mondialisée.
L’ennemi tend communément à se définir par les circonstances comme par les besoins des acteurs de nommer la chose, l’autre, celui avec lequel on se vit en inimitié. Le mot « inimitié » nous renvoie à son antonyme, l’« amitié ». L’inimitié, celle du non-ami, trouve son étymologie dans la racine latine inimicus, l’ennemi particulier de l’Antiquité, avant que le mot ne soit absorbé par le christianisme pour désigner le démon lui-même, puis de manière plus courante celui avec lequel on est au moins en opposition ou au plus en état en guerre.
Aujourd’hui le sens que recouvre le terme présente de nombreuses variations dans sa nature, ses représentations et usages qui interrogent la science politique, les compétitions économiques ou même l’art de la guerre. Pour s’en convaincre, on peut répertorier les qualificatifs, synonymes et autres attributs que porte l’ennemi dans notre langage commun.
L’ennemi, c’est donc naturellement le « belligérant », mais c’est aussi l’« antagoniste », l’« hostile », le « rival » ou l’« opposant », a minima le « concurrent », au pire l’« adversaire ». Pour nos besoins, il est qualifié d’ennemi « déclaré », « juré », « héréditaire » ou « éternel ». L’ennemi se vit comme contraire, opposé, nuisible, défavorable, irréconciliable et, dans un oxymore délicieux, il peut être notre meilleur ennemi.
Les doctrines institutionnelles le définissent de manière générique comme l’« ennemi conventionnel ». Parfois, il devient « ennemi de circonstance », quand il n’est pas un « ennemi objectif », ou encore un « ennemi désigné » ou « d’opportunité ».
Ainsi donc, dans la foison d’approches et de définitions, il faut fixer précisément ce qu’il convient d’entendre par « l’ennemi ». L’institution militaire, dans son Glossaire interarmées de terminologie opérationnelle fixe la définition suivante : « Partie aux intentions délibérément hostiles qui, manifestant une volonté et une capacité de nuire, est combattu, si nécessaire, par l’emploi de la force ».
L’analyse de cette définition permet de dégager trois paradigmes utiles : les intentions hostiles, la manifestation d’une volonté et la capacité de nuisance.