Qui est l’ennemi ? Cette question est presque devenue un sujet tabou en France depuis 1945. Le traumatisme laissé par les deux guerres mondiales dans la population française a créé un état d’esprit majoritaire qui ne veut pas prendre en compte l’hypothèse d’un conflit qui nous toucherait directement dans notre quotidien.
Le refus de penser à la possibilité d’une guerre soulève aujourd’hui un problème majeur car à force de nier les effets des rapports de force entre puissances, nous devenons de plus en plus fragiles et incapables de faire face à l’évolution du monde. Le repli individuel derrière le bouclier protecteur de la société de consommation a atteint ses limites. La désindustrialisation du pays, le déficit endémique du commerce extérieur, l’importance de la dette rendent désormais la France vulnérable dans un contexte croissant de guerre économique. Dans le pays, les effets indirects produits par la guerre en Ukraine (sanctions occidentales versus mesures russes de rétorsion) ont des répercussions très concrètes sur le pouvoir d’achat des ménages mais aussi sur une partie de leurs besoins vitaux (prix des carburants, du gaz, de l’électricité). À l’échelle mondiale, la mise en tension actuelle des chaînes d’approvisionnement (énergie, semi-conducteurs, céréales) pointe une dépendance extrême à des ressources inégalement réparties qui s’aggravera avec la consommation des réserves et le changement climatique.
Cet état d’esprit collectif nous plonge dans une ambiance de quasi-« drôle de guerre » économique. Cette expression, qui désigne la période précédant la défaite catastrophique de juin 1940, semble s’appliquer désormais à notre réalité économique. Durant les longs mois qui précédèrent l’offensive de la Wehrmacht contre la France, beaucoup espéraient que la paix pourrait encore être sauvée.
Nous sommes en 2022 dans un tout autre contexte. Mais le point commun entre ces deux « drôles de guerre », c’est justement l’espoir partagé que tout va finalement rentrer dans l’ordre… comme avant. (…)